11.12.2024

L'impact des politiques des pays de l'Alliance des États du Sahel sur les migrant.e.s en Côte d'Ivoire

 L'impact des politiques des pays de l'Alliance des États du Sahel sur les migrant.e.s en Côte d'Ivoire

Introduction

Courant 2023, les régimes kaki sahéliens : MALI, BURKINA-FASO, NIGER créent l’Alliance des Etats du Sahel (AES), confédération, affichant sa volonté manifeste d’une « communauté de destin » sécuritaire, diplomatique, politique voire socio-économique.

Les conséquences du retrait entamé sont nombreuses, notre analyse de ce contexte va questionner le devenir d’un espace déjà fragilisé par les clivages politiques et géographiques mais particulièrement le devenir des migrant.e.s.

ANALYSE

I- Des projets de politiques nouvelles bellicistes vs la réaction de la CEDEAO

Le retrait de la CEDEAO[1] : Le 28 janvier 2024, l’AES annonçait se retirer, invoquant l’inféodation de la Communauté Economique et Régionale à l'ancienne puissance coloniale française qui ne les aurait pas soutenus contre le Jihadisme[2].

Des visas inter pays[3] : La CEDEAO consacrait la libre circulation des personnes, des biens et des services. Instituer des visas serait une conséquence de la mise à part des pays AES, quand le Mali prévoit de nouveaux passeports biométriques.

La possible création d’une monnaie commune et d’une banque d’investissement[4] : L’AES rompra-t-il avec l’UEMOA (Union économique Ouest Africain) et son franc CFA comme suggéré par le Burkina Faso ?

La situation des migrant.e.s apparait alors fortement tributaire de ce contexte vicié par les accusations de déstabilisations réciproques entre le Burkina-Faso et la Côte d’Ivoire mais surtout de la réaction de la CEDEAO, face aux décisions de l’AES.

II- Un Impact multiforme à prendre en compte

A- Une situation demeurant inchangée eut égard aux liens entre populations.

Selon le HCR (Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés, 2024), plus de 65.000 migrants provenant du Burkina-Faso vivent dans les zones frontalières du septentrion ivoirien. Les populations ont toujours partagé des liens socio- culturels renforcée par la filiation, l’hospitalité, la religion, le commerce[5]. La Côte d’Ivoire fait partie des pays à avoir mis en place des « camps d’accueil pour les réfugiés » pour une prise en charge optimale des déplacés forcés du Burkina Faso et d’ailleurs. Cette politique d’assistance communautaire aura provoqué néanmoins quelques frustrations chez les populations hôtes[6] ; conflits circonscrits grâce à la mobilisation des leaders communautaires concernés, des Cellules Civilo-Militaires locales et des autorités administratives[7].

B- Les craintes d’une scission confirmée

Cependant ; l’hypothèse d’un retrait effectif de l’AES soulève des inquiétudes [8] car l’abrogation de la libre circulation des biens, des services et des personnes aura de nombreuses conséquences sociales, juridiques et géopolitiques : Les dispositifs législatifs et réglementaires ivoiriens ambitionnent instituer une carte de résident des ressortissants hors CEDEAO qui se chiffrerait à 300.000FCFA, soit 4 fois le  salaire minimun en Côte d'Ivoire "SMIG"[9][10].

Même si l’AES compte seulement 6% économiquement dans la CEDEAO, plusieurs accords, contrats et conventions économiques seront reconsidérés. Dans les zones frontalières, les contrôles douaniers et policiers pourraient être renforcés. Ces mesures restrictives risquent de conduire à un ralentissement des échanges les plus communs.

Plus de fraudes aux contrôles policiers et douaniers à cause des restrictions exacerberaient les défis sécuritaires qui devraient être pourtant négociés consensuellement par les états ouest africain dans ce contexte de porosité des frontières.

Les pouvoirs publics pourraient également rompre avec la politique de bon accueil des réfugiés pénalisant des millions de demandeurs d’asile.

 

Conclusion

Nonobstant une situation actuelle pratiquement inchangée, dans le quotidien des populations migrantes et d’accueil, la confirmation du retrait suscitera « des réactions » de la CEDEAO et d’autres partenaires internationaux de nature à envenimer les tensions latentes[11]. Il faut craindre un bouleversement des échanges économiques et au niveau sécuritaire, la méfiance réciproque pourrait mener à des conflits entre communautés. Au niveau social, des familles de part et d’autre des frontières seraient séparées à plus ou moins long terme eut égard aux réglementations nouvelles.

Il apparait indispensable d’emmener les parties prenantes à des échanges constructifs tenant compte des exigences communautaires, susceptibles de consolider le bien-être social des migrant.e.s.

 

[1]https://pscc.fes.de/fileadmin/user_upload/images/publications/2024/FES-PSCC-NoteAnalyse02-A4-FR-LowRes.pdf

[2]https://www.dw.com/fr/diomaye-faye-visite-aes-cedeao-dialogue-negociations/a-69230550 consulté 12 novembre 2024.

[3]https://www.dw.com/fr/c%C3%A9d%C3%A9ao-aes-niger-mali-burkina-faso-omar-alieu-touray/a-69599224

[4]https://www.dw.com/fr/un-an-apr%C3%A8s-sa-cr%C3%A9ation-quel-bilan-pour-laes/a-70224656

[5] Ainyakou & Binaté, 2023,Socio-Cultural Barriers To The Fight Against Insecurity In Certain Border Towns Of Cote D'ivoire: The Djihadist Threat in ABS borders studies.

[6] PELLERIN et GUIPIE, Les pays côtiers d’Afrique de l’Ouest au défi de l’accueil des populations réfugiées du Burkina Faso, Plateforme d’Analyse du Suivi et d’Apprentissage au Sahel, Production PASAS, mars 2024.

[7] Entretien source administrative, 2024.

[8] Entretien source administrative, 2024.

[9] Salaire Minimum interprofessionnel garanti

[10]Conseil des ministres, 21 décembre 2022.

[11] Entretien leader communauté étrangère, 2024.

 

Auteurs : Groupe de Recherche Développement, section Côte d'Ivoire –

representée par:

Professeur Dosso épouse Binaté Namodé Alice, Maître de Conférences en Criminologie; 

Professeur Ainyakou épouse Babakana Taiba Germaine, Maître de Conférences en Sociologie Rurale; 

Docteur Guipié Eddie Gérard, Docteur en Sciences Politiques.

Contact

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